JO 2024. « N’abandonnez jamais ! » : après les Jeux, ces pongistes joueront aussi les paralympiques Très peu d’athlètes dans l’histoire ont participé simultanément aux Jeux olympiques et aux Jeux paralympiques. À Paris, elles ne sont que deux à enchaîner cet été et font du tennis de table. La Brésilienne Bruna Alexandre et l’Australienne Mélissa Tapper ont réussi l’exploit de se qualifier pour les deux compétitions et portent un message, celui que rien n’est impossible pour quiconque le veut. Ouest-France Kévin GUISNEL, envoyé spécial à Paris. Publié le 06/08/2024 à 06h24 Journal numérique Elles marchent dans les traces de Natalia Partyka. Première pongiste à avoir participé la même année aux Jeux olympiques et aux Jeux paralympiques, la Polonaise a semble-t-il ouvert la voie. Pour la première fois depuis Pékin en 2008, elle n’enchaînera pas les deux tournois cet été à Paris mais peut compter sur la relève puisque deux de ses consœurs le feront. Dans la salle de tennis de table, Bruna Alexandre (29 ans) et Melissa Tapper (34 ans) ont effectivement ce petit truc en plus qui les distingue. Trois semaines avant le début des Jeux paralympiques (28 août - 8 septembre), elles sont toutes les deux déjà dans l’aire de jeu. La première est Brésilienne, amputée du bras droit à l’âge de deux mois après une grave erreur médicale, 182e joueuse mondiale en valide tout de même. La seconde est Australienne, son plexus brachial dysfonctionne et la prive de sensations dans le bras droit depuis sa naissance mais pas d’une qualification aux Jeux olympiques, qu’elle rentabilise en plus avec le simple (élimination en 32es) et l’épreuve par équipes. Toutes les deux parlent donc d’une « immense fierté » et portent un message. « N’abandonnez jamais ! », jurent-elles. Rien n’est jamais perdu, tout se transforme. Bruna Alexandre et Melissa Tapper en sont la preuve. Dans l’histoire, très peu ont participé aux JO et aux Jeux paralympiques la même année. Six tout au plus, la première étant l’Italienne Paola Fantato au tir à l’arc à Atlanta en 1996. Bruna, Melissa, quel est votre handicap ? Bruna Alexandre : « Je n’avais que deux mois. J’ai perdu mon bras après une grave erreur médicale. On m’a injecté un mauvais vaccin et on a dû m’amputer le bras droit. Pour moi, c’est presque normal parce que j’ai toujours vécu comme ça. Je suis parfaitement indépendante. J’ai même réalisé beaucoup de rêves grâce au tennis de table. Le service a été l’aspect du jeu le plus compliqué à appréhender mais c’est venu avec le temps. Je ne pensais pas pouvoir atteindre un jour ce niveau et concourir à la fois en valide et en paralympique. » Mélissa Tapper : « J’étais un gros bébé à ma naissance. Ma maman a accouché par voie naturelle et je me suis retrouvée coincée. Je suis sortie en étant tirée par le bras droit, cela a déchiré les nerfs entre mon cou et mon épaule. » Est-ce un message que vous portez ? B.A. : « N’abandonnez jamais ! Si vous n’avez pas un bras, une jambe ou tout autre handicap, ce n’est pas un problème. À partir du moment où vous avez un rêve, vous pouvez faire de votre mieux et faire en sorte de vivre ce rêve. Moi, je vis le mien actuellement donc tout le monde peut le faire, tant que vous y mettez de l’énergie positive. » M.T. : « Chaque jour, je me réveille et j’essaie de faire de mon mieux. Au début, il semblait impossible pour une personne handicapée de se qualifier pour les Jeux olympiques. Nous montrons que c’est possible grâce à un travail acharné mais aussi après avoir essuyé de nombreux échecs. Cela a créé en nous beaucoup de résilience. Ce n’est pas seulement le cas des personnes handicapées, c’est universel. Tout le monde, dans la vie, peut essayer et réaliser quelque chose. Il y aura des revers et des défis sur la route mais si vous êtes simplement persistant, vous pouvez atteindre votre but. » « Les JO ont tant à apprendre aux paralympiques, et inversement » Vous parlez justement d’épreuves traversées. Vous en avez chacune qui vous ont marqué ? M.T. : « Je viens d’une petite ville de campagne. Je devais faire plus de trois heures de route jusqu’à la ville pour pouvoir m’entraîner et participer à des compétitions. J’ai déménagé à l’âge de 15 ans, pour aller à l’école et poursuivre le tennis de table, mais ce fut de nombreux sacrifices. J’ai perdu de nombreux matches, de nombreuses finales, des épreuves de qualifications… Je pense sincèrement qu’il n’y a pas une épreuve plus qu’une autre. C’est une sorte d’accumulation qui fait que je suis devenue extrêmement déterminée. » B.A. : « Parfois, il m’est arrivé de renoncer. De me dire que ce n’était plus possible mais je me suis accrochée à mon rêve. Il y a bien ma défaite en quarts de finale des championnats du monde de para tennis de table mais j’ai surtout eu des problèmes de poids tout au long de ma carrière. J’ai toujours eu plus besoin de faire de la gym et de manger sainement. C’était chaque jour un combat contre moi-même. En 2018, j’ai perdu 25 kg et j’ai senti la différence. Mon niveau s’est amélioré et c’est comme ça que j’ai pu ensuite intégrer l’équipe olympique. » Quelles différences percevez-vous entre les Jeux olympiques et les Jeux paralympiques ? M.T. : « C’est difficile à décrire (sourire). Je crois que tout le monde connaît les Jeux olympiques, c’est chargé d’histoire. Mais les Jeux paralympiques également. Je crois que de plus en plus de gens en sont conscients. Ce qui compte, c’est la connaissance et la prise de conscience. Je ne peux qu’inciter le public à venir aussi aux Paralympiques. Une fois qu’ils auront vu les disciplines et les athlètes, ils tomberont en quelque sorte amoureux. De ce que j’ai vu, Paris et la France ont fait un travail remarquable en mettant en avant les Jeux olympiques et paralympiques dans leur image de marque et leur marketing. Le sport est vraiment incroyable. Ça ressemble, cela créé des moments incroyables. La communauté paralympique est tellement positive, je crois que c’est la meilleure chose dont j’ai fait partie. » B.A. : « La préparation est différente, l’environnement est différent, les personnalités sont différentes aussi. Ils doivent être plus forts. Aux paralympiques, on voit des gens qui n’ont pas de jambes, pas de bras, qui jouent et qui essaient de faire de leur mieux. C’est ça qui est incroyable. C’est un changement quand on passe des Jeux olympiques aux Jeux paralympiques. Je pense que c’est gagnant-gagnant. Les Jeux olympiques ont tant à apprendre des Jeux paralympiques et les Jeux paralympiques ont tant à apprendre des Jeux olympiques. C’est une bonne chose. » Avez-vous des modèles qui vous ont construit ? B.A. : « Moi ! J’aime ma personnalité, j’aime mon histoire (rires). » M.T. : « Bien sûr que j’admire Roger Federer ou Rafael Nadal mais je m’éloigne quand même un peu d’eux (rires). Ce ne sont pas tant les sportifs ou les personnalités. J’ai toujours regardé les gens que j’aime autour de moi et ma famille en particulier. Ma mère, mon père, mon frère, ma sœur… Ils sont tous incroyables ! Ce sont eux qui m’inspirent. Je veux être la meilleure personne possible pour moi et pour eux. »